Alors, histoire de rappeler à nos mémoires, la nôtre ou celle de nos parents, grands-parents, histoire de raconter aux plus jeunes, le temps d’avant la consommation de masse, le temps où un sou était un sou, où pour obtenir ce dont on avait besoin, ce dont on rêvait, il fallait patienter, économiser, j’ai rassemblé quelques souvenirs d’enfance dans un poème :
La Toile cirée
La table était surprotégée de trois épaisseurs :
le tapis en caoutchouc, la toile cirée
et, pour les grands jours, la nappe en tissu bien repassé ;
ainsi faisaient nos grand-mères
pour garder longtemps intact
le bois ciré du meuble de la cuisine.
On économisait l’eau en laissant toujours
une bassine sous le robinet ;
l’eau pouvait ainsi servir plusieurs fois :
on y lavait d’abord la salade, puis on y rinçait quelques légumes,
on y passait la vaisselle peu sale, légèrement,
avant que nos mains s’ y savonnent allègrement.
On ne prenait qu’un bain par semaine,
c’était la fête ce jour-là…
On y trempait longtemps
et on s’amusait vraiment.
N ‘allez pas croire qu’on sentait mauvais,
les autres jours on se lavait au gant,
dans le lavabo l’eau fraiche,
été comme hiver, nous réveillait.
On portait plusieurs jours de rang
la même « toilette », changeant juste chaque jour,
les dessous de coton
et les bas ou les chaussettes de laine ;
faire la lessive ça « coûtait » en peine et en sous
et il fallait ménager les deux.
Les torchons et serviettes étaient longtemps gardés,
maintes fois lavés et ravaudés :
nul besoin d’acheter des rouleaux de papier.
Les chaussettes trouées étaient raccommodées,
on ne les remplaçaient pas de sitôt :
un sou était un sou
et le porte-monnaie bien souvent plat.
On marchait beaucoup :
on allait à l’école à pied,
les courses se faisaient au jour le jour,
pas de réserves, si ce n’est à l’automne,
les fruits engrangés.
Le laitier livrait le lait tout frais, sur le pas de la porte
et on allait une fois par semaine
chercher le gros pain qui se conservait plusieurs jours.
Les jours de marché
on remplissait le panier
de couleurs et de senteurs
qui égayaient la table
et remplissaient nos estomacs
d’aliments sains et goûteux.
Le grand-père faisait son potager
pour fournir la tablée,
tout au long de l’année.
Il gardait les graines pour réensemencer ;
on ne parlait pas de bio, c’était évidemment « naturel » ;
pourquoi a-t-il fallu, quelques années plus tard,
« protéger » à tout prix les récoltes,
de dangers supposés et peut-être inventés
par les lobbys du commerce,
au lieu de nous garder en bonne santé ?
Noël n’était pas cette débauche de victuailles,
de cadeaux technologiques dernier cri,
de course aux achats
dans les magasins surchauffés
et surchargés de monde,
mais une fête de la famille,
autour d’un repas amélioré,
avec une fois seulement par an,
échanges de cadeaux simples
mais pourtant longtemps rêvés
par les enfants aux yeux émerveillés.
La moindre petite dépense
était notée sur un carnet,
que ma mère gardait dans le tiroir de la cuisine.
Pour ne pas dépasser le budget serré,
elle cousait nos vêtements
et rallongeait les ourlets de mes robes,
jusqu’à ce que mes jambes les dépassent de trop ;
en ce temps-là la mode faisait long feu.
Il n’y avait pas de petites économies :
même l’allumette pouvait resservir,
les bouts d’ ficelle encombraient le tiroir
et faisaient bon ménage avec un précieux bric à brac
d’objets incertains qui auraient un lendemain.
Ne rien jeter, tout garder « au cas où »
était la devise des ménages ;
point besoin de déchetterie, ni de conteneurs de tri,
peu de rejets :
les épluchures pour le fumier,
le papier écrit des deux côtés,
la bouteille consignée,
et les emballages réduits
à leur plus simple appareil.
La fée électricité
ne régnait pas sur la ville :
les lampadaires citadins,
très vite éteints,
n’ attiraient pas plus que ça
les voyous des bas quartiers.
A la maison c’est la bougie
qui éclairait les veillées ;
à la campagne la cheminée
réchauffait les pièces et les cœurs.
Ce n’est pas par nostalgie
que j’ai écrit ces lignes,
mais pour témoigner
d’une vie plus simple que l’actuelle
et pour réfléchir à ce qui pourrait
à nouveau faire partie de notre quotidien,
sans pour autant nous priver
du confort auquel on s’ est habitué.
Quelques petits gestes simples et économes
revivraient volontiers,
pour économiser notre santé, nos sous
et notre terre nourricière
que depuis trop d’années
on s’échine à détruire !
Si vous vous sentez attirés par des modes de consommation différents qui privilégient le partage plutôt que l’achat systématique, il existe des associations qui tendent vers ce but (Zéro Déchet St Nazaire), des marchés de producteurs locaux et bios ou vente directe (Les Jardins de Kerpondarmes à Clis, le Champ des vagues à Batz sur mer, la ferme des petites mottes et Chèvres et choux à St Nazaire...), des associations caritatives qui vendent des objets d'occasion (Emmaüs, Secours populaire, le Relay...), des recycleries (Récup'Utile, Au Bonheur des Bennes...)
Décroissance ou richesses partagées, l’essentiel n’est pas le mot employé mais bien de vivre d’une façon plus simple, plus saine.