La tonte et ses méfaits
Le plaidoyer d'Eric Lenoir
Il y a un mois environ, j'annonçais à ces ultimes clients chez lesquels nous tondions la pelouse que nous ne le ferions plus, sinon sous forme de gestion fortement différenciée qui préserverait de larges zones de prairie fauchée au maximum une fois par an, afin de préserver et stimuler la biodiversité locale ainsi que la ressource en eau du milieu.
Je craignais un refus et ne l'eus pas. Il semble que j'ai trouvé les mots justes pour expliquer pourquoi il m'était impossible -tant d'un point de vue écologique qu'éthique- de bousiller 3000 m² de ressources alimentaires, hydrologiques, et niches écologiques pour la faune et la flore en plein écocide et crise climatique. Moins d'un tiers en serait désormais tondu, plus rarement.
Revenant pour tracer dans les herbes hautes le nouveau tracé du "jardin dans le jardin", j'ai pu constater ce qu'un mois sans tonte au printemps avait pu préserver ou apporter.
Quelques photos plus parlantes qu'un long discours.
Ah, si, pour mes collègues qui pensent que moins tondre les privera de travail ou de revenus, ou qui peinent à convaincre leurs clients:
1) le client, dans le cas présent, économise 1h de main d'oeuvre par tonte et un passage sur deux. C'est un sacré argument pour le convaincre. Il limite aussi le besoin de ses rosiers, pivoines, arbres et arbustes en arrosage, s'il avait la mauvaise habitude de le faire. Cela limite aussi grandement les attaques de parasites des plantes, car les auxiliaires sont bien plus présents.
2) moins de temps passé sur une tonte. C'est éventuellement plus de temps à passer ailleurs. C'est l'opportunité de laisser la place à de nouveaux clients attirés par des méthodes plus respectueuses de l'environnement, moins invasives, et moins coûteuses pour eux.
3) c'est l'occasion de valoriser vos savoir-faire spécifiques, en proposant par exemple, pour le même montant que celui qui ne laissait place qu'à la tonte totale, des travaux exigeant plus de finesse, qui pourront s'exercer de façon ponctuelle, tels la taille de transparence, un suivi plus pointu des arbres fruitiers, des petites plantations, le greffage, etc. Autant de travaux techniques qui valoriseront votre activité et fidéliseront votre clientèle sur le long terme...sans avoir besoin de machines.
4) vous serez encore plus fiers de montrer votre travail, car il sera beau et sain, et les tontes désormais dessinées laisseront place à votre créativité et à votre sens pratique.
5) ce sera l'occasion, si vous le pouvez, de reprendre la place réelle du jardinier dans le cœur de votre clientèle, en l'invitant à s'émerveiller de la magnificence de la flore à sa porte, en partageant votre savoir sur telle ou telle plante sauvage, tel insecte qui vient y butiner, tel oiseau qui vient le manger. De montrer, donc, que vous savez faire autre chose que pousser une tondeuse, aux ordres, sur un jardin dessiné par d'autres.
Rappel : La loi interdit la taille des haies du 15 mars au 31 juillet
Poème écrit après la tonte d'un espace vert (lotissement guérandais)
Date de dernière mise à jour : 27/09/2021
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